La « conversion des Églises » : une méthode pour le Groupe des Dombes

C’est dans son document Pour la conversion des Églises. Identité et changement dans la dynamique de communion (1991) que le Groupe des Dombes a défini sa méthode. On en trouvera ci-après quelques extraits.

1. Définitions : identité et conversion.
54. Par identité chrétienne nous entendons l’appartenance au Christ fondée sur le don du baptême et vécue avec une foi nourrie par la Parole de Dieu, Parole proclamée et Parole eucharistique. Cette appartenance concerne aussi bien chaque personne que l’Église comme peuple de Dieu.
Par identité ecclésiale nous entendons l’appartenance ou la participation d’une personne ou d’une Église confessionnelle à l’Église une, sainte, « catholique » et apostolique.
Par identité confessionnelle nous entendons l’appartenance à une Église confessionnelle issue d’un contexte culturel et historique déterminé, comportant son propre profil spirituel et doctrinal par lequel elle se distingue des autres Églises.

55. Par conversion chrétienne nous entendons la réponse de la foi à l’appel qui nous vient de Dieu par le Christ. Cette réponse se vit dans un mouvement de conversion constante.
Par conversion ecclésiale nous entendons l’effort exigé de toute l’Église et de toutes les Églises pour se renouveler et devenir plus aptes à remplir leur mission selon l’adage Ecclesia semper reformanda.
Par conversion confessionnelle nous entendons l’effort œcuménique par lequel une confession chrétienne purifie et enrichit son propre héritage dans le but de retrouver la pleine communion avec les autres confessions.

2. La méthode : la conversion des Églises.
46. Nos identités confessionnelles sont un héritage au sein duquel nous devons opérer un discernement évangélique, afin d’en recueillir toutes les valeurs positives au service de la riche pluriformité de l’Église, et de renoncer à leur dimension pécheresse. Elles ont à être converties. Comment nos identités converties, toujours porteuses de diversités légitimes, ne nous conduiraient-elles pas à la pleine communion ? Car les identités confessionnelles deviennent une grâce de Dieu pour toute l’Église, à partir du moment où elles entrent dans la recherche commune d’une plénitude de vérité et de fidélité qui les dépasse toutes.
47. Toute conversion passe par l’aveu. Nos confessions ont à « se confesser », à passer de l’aveu de leurs limites et de leurs insuffisances, même de leur péché. Chaque famille confessionnelle doit reconnaître qu’il existe des éléments de tradition chrétienne qu’elle est incapable, au moins pour le moment, de recevoir et d’intégrer à sa propre existence.
48. La conversion confessionnelle est, elle aussi, constitutive de la véritable identité confessionnelle. Cette exigence de conversion invite donc nos identités confessionnelles à s’ouvrir les unes aux autres, à se laisser pénétrer par les valeurs dont les autres sont porteuses. Il ne s’agit pas pour elles de perdre l’originalité de leur propre héritage, mais de pouvoir s’ouvrir à d’autres héritages. Chaque confession doit en particulier se demander si le jugement qu’elle porte sur les autres est véritablement fondé sur l’Évangile.
49. Cela suppose que chaque confession reconnaisse qu’il y a chez elle matière à conversion, c’est-à-dire matière pour un progrès réel dans la fidélité à l’identité chrétienne et ecclésiale, soit dans le domaine du langage de la foi, soit dans celui de la structure ecclésiale, soit dans la mise en œuvre existentielle de la réalité chrétienne. Ces conversions sont dissymétriques, puisque ce ne sont pas les mêmes déficiences qui affectent les différentes Églises.

 

« La conversion des Églises ». Une audace herméneutique

Dans un article paru dans la revue Unité des Chrétiens (n° 164, octobre 2011), Gottfried Hammann a précisé la méthode du Groupe des Dombes.

Une identité originale.
Né en 1937, sur l’initiative de quelques prêtres lyonnais, dont l’abbé Couturier, et de pasteurs suisses, le Groupe des Dombes s’est donné pour tâche de pratiquer une piété œcuménique à double voie. Lors de ses rencontres annuelles – d’une semaine en août/septembre dans une abbaye telle l’abbaye Notre-Dame-des-Dombes ou plus récemment l’abbaye bénédictine de Pradines –, la participation au Groupe de ses quarante membres, pour moitié protestants moitié catholiques, a toujours été déterminée par « la préoccupation ecclésiologique et l’expérience pratique de la quête d’unité des Églises confessionnelles » [1].
Cette préoccupation se manifeste, d’une part, par une vie commune de prière – une vie « ruisselante de prière » comme aimait à dire l’abbé Couturier – et, d’autre part, par une intense réflexion sur les thèmes majeurs portant en eux le ferment de la division de l’Église Corps du Christ. Cela sans se réfugier dans un débat qui craindrait la difficulté des enjeux séparateurs ou qui refuserait, en les enjolivant, de reconnaître la situation critique des efforts d’unité. Mais encore en n’ayant pas peur de sortir des tranchées confessionnelles et de remettre en cause les frontières, doctrinales et pratiques, de la vie de nos Églises confessionnelles divisées…
Le Groupe des Dombes est, par les personnes qu’il réunit et les enjeux qu’il représente, un lieu d’œcuménisme vivant ; c’est-à-dire d’expérience vécue et à vivre. Le fait de participer au travail du Groupe exprime de manière inédite et originale le souci de l’unité ecclésiale telle que les membres ont envie de la vivre en anticipation, de manière prophétique, non seulement en discussions et débats, mais concrètement, de manière audacieuse et critique, dans leurs pratiques et leurs lieux respectifs d’Églises confessionnelles. À l’exemple de l’abbé Couturier et de ses fondateurs ! En dépit des risques que cela suppose dans la situation actuelle de nos Églises divisées.

La méthode du Groupe, son herméneutique.
Dans cette démarche longue de plus de soixante-dix ans, la méthode ou l’herméneutique du Groupe a opéré un tournant significatif dans les années 1980. Depuis ses origines, mais surtout depuis les années 1960, le Groupe avait voulu faire œuvre originale en reprenant les grands thèmes diviseurs et leurs effets sur la vie des Églises. L’objectif initial visait la réalisation d’une unité fondée, malgré les divisions historiques, dans les symboles œcuméniques antérieurs aux divisions des XIe et XVIe siècles (Symbole des Apôtres et Nicée-Constantinople). Le retour à ces confessions de foi communes, leur interprétation renouvelée en fonction d’une volonté commune d’unité, devait permettre, selon le Groupe, de dépasser les effets diviseurs des confessions de foi et dogmes confessionnels issus du XVIe siècle et des siècles ultérieurs. En d’autres termes (et pour reprendre ici les principes herméneutiques des documents du Conseil œcuménique des Églises et en particulier de Foi et Constitution) : le retour et la relecture de la Tradition permettrait, dans la mesure où elle serait fidèle à la volonté d’unité du Christ, de neutraliser voire de dépasser les effets séparateurs des traditions confessionnelles postérieures au XVIe siècle.
Ce faisant, le cheminement d’unité, tel que le Groupe se l’est lui-même imposé lors de ses sessions et de ses exercices de rédaction – en dépit de positions « hors Dombes » parfois plus traditionnelles ou plus timides de certains de ses membres les plus réservés – a mené le Groupe à une prise de conscience fondamentale. Celle de l’importance d’un retour à l’histoire, l’histoire de nos divisions, celle d’une réanimation, d’une « purification de la mémoire » comme le dira Jean-Paul II lors d’une rencontre œcuménique en Suisse en juin 1984 : « La purification de la mémoire est un élément capital du progrès œcuménique ». Effort de clarification et de purification souvent trop retenu, parce que trop risqué, exposant les attitudes et pratiques confessionnalistes à des évidences visiblement peu œcuméniques. En d’autres mots, des positions maniant trop facilement la langue de bois !

Un virage important.
La clé de compréhension et d’interprétation de la situation de division, en d’autres termes, l’herméneutique du Groupe, la compréhension qu’il avait de lui-même et de son travail œcuménique, prit alors un virage important : « Nous n’avons pas cherché, écrit-il alors [2], à remettre en question telle ou telle formulation dogmatique, encore moins à en proposer de nouvelles ; mais dans une interpellation réciproque, nous avons tenté un examen de nos positions respectives par rapport à cet essentiel [souligné dans le texte], non pour les abandonner, mais pour mieux en discerner la réelle “consistance” et donc la nécessaire réconciliation. Dans cette perspective, il nous a été donné de prendre la mesure de ce que nous avons appelé la “métanoia” ecclésiale ou “conversion confessionnelle”. Il s’agit là, tant pour les catholiques que pour les protestants que nous sommes, d’une démarche à la fois difficile, exigeante et risquée ».
Il s’agissait bien d’un aboutissement qui, du même coup, entamait un tournant, dans la mesure où la suite des travaux du Groupe exprime simultanément une certaine déception œcuméniste et un changement d’interprétation de l’enjeu œcuménique. Ces années coïncident d’une part avec les réactions critiques des Églises institutionnelles au document du BEM [3] et à ce qu’on pourrait appeler la neutralisation de ce dernier, et d’autre part à l’enlisement des élans réformateurs post-Vatican II. La clé herméneutique du Groupe des Dombes, caractérisée par la réflexion dogmatique et la recherche de l’« accord » en matière doctrinale, semble alors connaître ses limites et perdre quelque peu sa dynamique initiale.
Il y avait là un changement de perspective du Groupe. De l’unité objective que pourraient refléter les formulations dogmatiques communément admises et ecclésialement appliquées, en particulier la doctrine sur l’Église conçue comme thème dogmatique, l’objectif du Groupe se tourne alors vers les instances ecclésiales elles-mêmes (et vers le Groupe lui-même en tout premier !), afin de proposer une dynamique d’unité applicable à la vie même des communautés ecclésiales et non seulement à leur doctrine sur l’Église. Pour le dire en peu de mots : d’un travail dogmatique sur l’Église, prétendue théologiquement unie, et sur sa Tradition, le Groupe veut passer à une dynamique de changement qui mette en cause et en mouvement d’unité chacune des Églises confessionnelles, historiquement séparées.
Cette démarche impliquait, pour chaque thème, pour chaque contentieux séparateur étudié, un retour à l’histoire. Dans le but d’y déceler les dynamiques de changement, les potentiels d’unité ignorés ou oubliés, ainsi que les forces séparatrices auxquelles on accorda, peut-être faussement ou infidèlement, priorité et qualité d’essentiel. Ainsi naquit, dans la démarche herméneutique du Groupe, la préoccupation permanente et insistante de la « métanoia ecclésiale » ou « conversion confessionnelle ». Démarche qui n’avait jamais été absente de la méthode analytique du Groupe, mais qui n’en avait jamais été l’impulsion prioritaire non plus.
Ce n’est pas l’élaboration ni la rédaction des documents qui changeront ; ils resteront l’expression d’un intense travail en commun. Partant de l’ensemble du groupe lors de la réunion annuelle, se basant sur des documents distribués et étudiés individuellement en cours d’année, les thèmes sont retravaillés, les textes déjà élaborés repris et complétés par d’autres, le tout formant progressivement un corpus. Ce dernier, repris et rediscuté, subit finalement une rédaction terminale, faite par un quatuor de membres du Groupe. La version finale ainsi établie est revue par l’ensemble du Groupe lors d’une semaine annuelle, puis mise au point définitivement et munie d’une introduction rédigée de concert par les présidents catholique et protestant du Groupe. À ce stade final, tous les membres du Groupe qui adhèrent au texte le signent, puis le texte est publié, sous le nom d’auteur collectif de « Groupe des Dombes ». En revanche, c’est la démarche d’approche du thème choisi et du contentieux que ce thème a généré et génère encore aujourd’hui dans le rapprochement des Églises confessionnelles historiquement divisées qui sera analysé. Ses mécanismes de division seront « démontés » et, dans un appel final à la fin du document, « remontés » après avoir été « nettoyés » de leur venin diviseur, de leur portée séparatrice et confessionnaliste, de leur caractère aléatoire, ainsi que de leur surévaluation ecclésiologique qui, toujours, a tendance à accorder à leur identité confessionnelle une importance prioritaire par rapport à leur identité ecclésiale d’Église chrétienne de Corps du Christ…

Un diagnostic confirmé.
C’est bien le document Pour la conversion des Églises. Identité et changement dans la dynamique de conversion publié en 1991 qui illustre le plus clairement cette nouvelle perspective herméneutique. Dès lors, la réflexion du Groupe, sa méthode se développeront selon cette dynamique de remise en question. La structure des documents allait en être changée. L’appel parénétique lancé à la fin de chaque document à l’intention des Églises confessionnelles devenait incitation à assumer non seulement les effets théologiques de la séparation, mais encore et surtout les effets de la division dans la vie pratique des Églises confessionnelles, voire même dans la pratique de leurs fidèles. Dans ce genre d’appel souffle, nolens volens, un vent de défi, incitant au « courage de la désobéissance » ! Trouver le courage de désobéir non pas à l’Église Corps du Christ, mais aux effets pervers et aux prétentions faussement unitaires des motivations séparatrices héritées de l’histoire et érigées malencontreusement en vérités inaliénables. Ce courage de désobéir aux effets pervers du levain diviseur est à puiser dans la démarche de « métanoia  », de conversion. Démarche de retour sur soi demandée à chaque Église confessionnelle, car chacune était, quant à l’unité, en situation de péché, de « maladie d’unité ».

Une visée permanente.
L’insistance sur la « métanoia  » permet ainsi d’analyser le changement d’auto-compréhension qui s’est opéré dans le Groupe des Dombes dès les années 1970. Alors que la réflexion œcuménique portait sur les références classiques et théologiquement normatives de l’Écriture d’une part, de l’Église ancienne (la Tradition) d’autre part, les documents élaborés et publiés après 1979 font apparaître un double changement de perspective : 1) le Groupe intègre dans sa réflexion l’histoire postérieure aux origines et aux Pères, comme référence critique de la compréhension et de l’interprétation de la division antagoniste des Églises ; et 2) le Groupe s’interroge sur sa propre histoire et sa propre identité, en tant qu’elles sont les plaques de résonance non plus d’une unité dogmatique prétendument donnée et retrouvée, mais l’expression d’une réalité historique de division à regarder en face et à « convertir ». Réalité séparatrice, génératrice d’affrontements et d’identités antagonistes, bien plus que d’unité retrouvée.
Ce n’est plus l’unité faite ou plutôt « donnée » de manière anhistorique qui servira de référence identitaire et herméneutique, mais la dure réalité d’une division active, qui aujourd’hui comme hier détermine la réalité malheureuse d’Églises séparées. L’analyse de la division, en particulier dans son histoire postérieure au XIe siècle, devient la clé herméneutique du Groupe, autant voire avant même les données fondamentales de l’Écriture et de la confession de foi. Autrement dit : l’histoire sert de clé de relecture et de compréhension de la division incontournable des Églises, avant même que la relecture de l’Écriture et des données dogmatiques de la foi œcuménique puisse servir de clé d’interprétation d’une unité possible à réanimer. Alors que dans la démarche précédente la réalité historique était reléguée et reniée dans son dynamisme séparateur, présent et institutionnel, elle est maintenant intégrée à la recherche et prise au sérieux dans ses effets pervers de séparation.

L’œil et la poutre.
Identité ecclésiale et identité confessionnelle  : cette distinction entre les deux réalités identitaires est capitale dans l’ecclésiologie du Groupe ; elle doit permettre de réexaminer toute prétention œcuménique d’ecclésialité d’une Église confessionnelle : aucune Église institutionnelle ne pourra faire l’économie du critère de l’histoire pour se prévaloir d’une prétendue ecclésialité pleine et entière, comme si elle n’avait pas subi les effets pervers de la carence de catholicité. Or, aucune Église confessionnelle (et l’Église catholique romaine en est une, dans cette perspective, depuis le Concile de Trente) ne saurait échapper à cette souffrance de la désunion, sous prétexte qu’elle serait restée indemne de la maladie. « Si chaque Église confessionnelle, et donc aussi l’Église catholique romaine issue de la réforme catholique du XVIe siècle, porte sa part de responsabilité pécheresse dans les divisions dont souffre le Corps ecclésial du Christ, l’Église romaine n’a-t-elle pas, elle aussi dans son historicité, perdu la plénitude ecclésiale du fait des ruptures du XIe et du XVIe siècle ? » [4].
Pour en rester aux termes médicaux qui expriment bien cette perspective d’analyse : 1) le diagnostic, c’est que toutes les Églises sont reconnues malades de la désunion, fruit de leur « peccabilité » ; 2) le pronostic, c’est qu’aucune d’elles ne peut prétendre retrouver sa pleine santé ecclésiale (« sa pleine catholicité ») à elle toute seule, au détriment ou sans l’aide des autres ; 3) la thérapeutique, c’est la métanoia / conversion des identités, afin que l’identité du Corps ecclésial du Christ puisse retrouver, pour chaque Église institutionnelle, sa prééminence sur l’identité confessionnelle. Non pour supprimer celle-ci (ce serait appauvrir l’Église-Corps du Christ tout entière), mais pour lui rendre sa place dans la diversité non séparatrice des Églises historiques, en rendant ainsi toutes les Églises historiques mieux à même de répondre à leur vocation première au sein de l’humanité.
Il y a là une double réorientation de la perspective herméneutique : d’une part, la compréhension de la réalité de l’Église change d’accent ; la réalité historique devient le support œcuménique obligé de la réalité dogmatique, dans la mesure où l’Église (au singulier) comprise comme Corps du Christ ne peut être interprétée en dehors de sa réalité incarnée dans l’histoire. D’autre part, cette réorientation remodèle la compréhension que le Groupe a des Églises historiques (institutionnelles) elles-mêmes, dans la mesure où toutes sont marquées, en tant qu’Églises confessionnelles issues des événements séparateurs de l’histoire, par la division antagoniste et les carences qui en découlent. Sur ce plan, il n’y a pas de hiérarchie entre elles, toutes elles souffrent des mêmes effets de carence d’unité et de catholicité. Dès les réformes séparatrices du XVIe siècle – et même dès la séparation de 1054 entre l’Orient et l’Occident ! – toutes les Églises confessionnelles sont entachées de cette même carence. Y compris l’Église romaine : elle souffre, elle aussi, d’une carence d’ecclésialité « catholique », au même titre que les autres, même si cette carence peut se manifester sur d’autres plans que dans les Églises issues de la Réforme protestante, par exemple.

Une suite sans fin.
Cependant, la clé herméneutique mise au point au fil de sa réflexion permit au Groupe des Dombes de rester fidèle à ses principes méthodologiques originaires, en leur faisant subir l’évolution dictée par la progression vécue par le Groupe lui-même sur le chemin de la compréhension qu’il pouvait avoir de lui-même et de son impact sur la situation d’unité. Mais cette clé méthodologique lui permit d’aborder de manière plus claire, plus lucide et plus libre les thèmes du contentieux œcuménique qu’il n’avait jusque là pas encore abordés.
Ainsi en fut-il du thème de Marie, jusque là considéré comme trop sensible à l’examen « dombiste ». Travaillé en vue d’un document paru en 1999 sous le titre Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints [5], ce fut, contrairement à toute attente, le plus fort succès de librairie des travaux du Groupe !
Dans le même souffle et porté par la même audace herméneutique parut en 2005 le document « Un seul Maître ». L’autorité doctrinale dans l’Église [6]. Avec ses 246 pages, il est à ce jour le plus volumineux des documents du Groupe.
Suite à quoi, le Groupe avait besoin de se donner un peu d’air. Il choisit le thème du Notre Père, avec le risque de relâcher quelque peu l’incisive pertinence de sa méthode d’analyse : le Notre Père ne risquait-il pas d’offrir à la réflexion du Groupe l’occasion de lénifier les contentieux par un retour au langage de compromission et du « tout le monde il est gentil et nous sommes tous unis »… ? C’était sans se rendre compte que l’histoire de la réception et de la pratique de cette prière universelle de l’Église allait mettre à vif, une fois de plus, la nécessité d’une démarche ecclésiale de contrition et de conversion, servant ainsi de référence à cette nécessaire « métanoia  » sans laquelle l’ère séparatrice des Églises confessionnelles n’aurait décidément guère de chance d’être dépassée et guérie. L’effort est à poursuivre ! Sans complaisance pour nos divisions historiques, qui sont et restent l’œuvre du Diviseur semant sa graine d’ivraie – en grec, de zizania – dans le beau champ de l’Église de Dieu !

Gottfried Hammann

[1] Pour plus de détails sur l’historique du Groupe, cf. Gottfried Hammann, « Aspects herméneutiques du travail œcuménique du Groupe des Dombes », in Variations herméneutiques, n° 9, septembre 1998, p. 47-58.
[2] Pour la communion des Églises. L’apport du Groupe des Dombes. 1937-1987, Paris, Centurion, 1988, p. 51.
[3] Foi et Constitution, Baptême. Eucharistie. Ministère, 1982.
[4] Pour la conversion des Églises, Paris, Centurion, 1991, n° 212, p. 103.
[5] Bayard / Centurion, Paris, 1999.
[6] Bayard, Paris, 2005.